Stimulation cognitive des états démentiels

Article paru dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats 2005 ; 26.

Autant les essais d’anticholinestérases abondent dans la littérature sur la prévention du déclin cognitif de la maladie d’Alzheimer, autant ceux qui s’attachent à évaluer l’utilité des exercices cognitifs dans cette indication font défaut. Faut-il vraiment se demander pourquoi ? Mieux vaut plutôt signaler les résultats d’un premier essai comparatif de stimulation cognitive, avec randomisation à partir d’un échantillon de 115 sujets souffrants d’une démence, viennent d’être publiés. Ils devraient contribuer à encourager cette autre piste thérapeutique de la maladie d’Alzheimer.

La technique qui était testée consistait en deux sessions par semaine, d’une durée de 45 minutes chacune. Chaque séance obéissait à un même rituel bien organisé : mise en train familière à l’aide d’un simple jeu de balle, suivie d’exercices d’orientation dans la réalité centrés sur une série de thèmes pratiques (présentation de soi, d’autrui, reconnaissance de noms, de visages, évocation des repas, des préférences alimentaires, de souvenirs en rapport avec la situation présente, etc.). Point important, l’état d’esprit des sessions privilégiait le plaisir retiré de l’exercice, en évitant avec soin de susciter toute réaction d’échec. Au terme des sept semaines qu’a duré l’essai, le gain clinique (évalué par le MMS, une échelle de cognition et une échelle de qualité de vie spécialisées) s’avère du même ordre de grandeur que celui obtenu avec les anticholinestérases. Qu’est ce qui a joué le plus : l’exercice cognitif ou le plaisir d’une séance régulière partagée ? Probablement les deux, bien que le design de l’essai ne permette pas de trancher. Ce type d’essai mérite d’être reproduit, et surtout prolongé sur une durée beaucoup plus longue, afin de vérifier que les bénéfices de la stimulation cognitive sont durables.

Si cela devait se confirmer, les psychologues cliniciens feraient bien de se mobiliser sur la question. Vu l’horizon chargé d’Alzheimer qui se prépare, la « noothérapie » des démences (de νόος, « l’intelligence ») pourrait se voir rapidement prise en charge par la sécurité sociale. Au même titre que la kinésithérapie ou les anticholinestérases.

Spector A, Thorgrimsen L, Woods, B & al. Brit J Psychiatry 2003 ; 183 : 248-254.