Article paru dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats 2006 ; 28.
Le rôle fondamental que joue dans les troubles thymiques le système de transmission sérotoninergique issu des noyaux du raphé est mis à profit par les nombreux antidépresseurs inhibant la recapture de la sérotonine. L’enjeu thérapeutique est tel que d’innombrables équipes de par le monde travaillent à préciser la fonction des récepteurs sérotoninergiques dans la régulation thymique. Une équipe de pharmacologues du Karolinska Institute et du CNRS (Faculté de pharmacie de Rouen) vient peut-être d’accomplir une percée en la matière (1).
On dénombre à l’heure actuelle non moins de 14 types de récepteurs sérotoninergiques différents. Divers travaux de pharmacologie et de génétique focalisent l’attention sur le récepteur 5-HT1B dans la physiopathologie des troubles obsessionnels, de la dépression, de l’agressivité et de l’insomnie. La publication dont il est question commence par montrer qu’une protéine de la famille des protéines cytoplasmiques S100, un groupe de protéines assurant la translocation des récepteurs au niveau membranaire, la protéine p11, obéit à une distribution rigoureusement superposée à celle du récepteur 5-HT1B dans le cerveau de la souris. A l’aide cultures cellulaires les auteurs ont mis en évidence que p11 accroît la disponibilité membranaire du récepteur 5-HT1B, tandis que l’étude post-mortem de cerveaux de déprimés, de même qu’un modèle animal courant de dépression objectivent chacun une réduction de l’expression de p11. Plus spécifiquement, des souris dont le gène de p11 est mis hors service se comportent comme à l’instar de souris déprimées. Inversement, des souris génétiquement modifiées pour sur-exprimer p11 se révèlent hyperactives. Bref, une série d’expérimentations convergeant vers un lien solide entre déficit en p11 et dépression. Pour couronner le tout, les auteurs montrent que l’administration d’imipramine se traduit par une augmentation d’expression de p11 chez la souris. Un nouveau chaînon de régulation moléculaire de l’humeur semble bel et bien avoir été découvert.
(1) Svenningsson P, Chergui K, Rachleff I & coll. Science 2006 ; 311 : 77-80.