Neuro-imagerie des troubles du spectre autistique

Article paru dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats 2007 ; 30.

Il est devenu usuel de réunir sous l’étiquette générale de « troubles du spectre autistique » l’autisme typique, dit « de Kanner », les autismes « de haut niveau » et le syndrome d’Asperger. La prévalence globale de cet ensemble pathologique est aujourd’hui estimée à 0,6%, soit à peu près la moitié de celle des schizophrénies. Sa causalité demeure largement inconnue : on s’accorde à penser qu’elle ne peut être que le produit, aussi varié qu’hétérogène, d’interactions complexes entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux. Ce qui revient à énoncer, en une phrase de généralités, à peu près ce que l’on sait pour le moment. Dans quelques cas bien déterminés toutefois, une étiologie précise peut être mise en évidence, telle qu’une rubéole foeto-maternelle par exemple.

            Lors de sa description princeps de la maladie, à partir d’une série de 11 cas (1), Kanner avait insisté sur l’absence de dysmorphies associées au tableau, mis à part la présence d’une macrocéphalie chez 5 enfants. Par la suite, l’existence d’une augmentation du volume cérébral a été régulièrement signalée au cours de l’autisme, sur le constat d’un périmètre crânien anormalement élevé pour l’âge. L’imagerie cérébrale a confirmé depuis l’observation originale de Kanner (2,3). Bien que les mesures se montrent inconstantes, ce qui tient manifestement beaucoup à l’hétérogénéité des troubles, l’un des résultats les plus vérifiés dans le spectre autistique reste une tendance à la mégalencéphalie. Celle-ci semble liée à l’âge : les enfants atteints présentent très tôt une phase d’accélération de la croissance cérébrale, suivie d’un ralentissement de leur développement psychomoteur. De même à l’âge adulte, le vieillissement cérébral des patients diffère de façon significative de ce qui est normalement observé. Tout ceci conduit à penser que la pathogénie en cause ne se limiterait pas à une perturbation cérébrale précoce qui serait responsable d’une forme d’encéphalopathie essentiellement statique, mais qu’elle exercerait des effets sur la maturation cérébrale tout au long de la vie.

            A côté de l’augmentation du volume cérébral global, certaines régions du cerveau paraissent plus impliquées que d’autres. C’est le cas en particulier des aires frontales, limbiques, des noyaux gris centraux et du cervelet. On a par exemple observé que le syndrome d’Asperger s’accompagne d’une diminution plus marquée du volume de la substance grise dans les régions fronto-striatales et cérébelleuses (4). Une traduction fonctionnelle directe de cette fragilité des circuits fronto-striato-cérébelleux se retrouverait dans le défaut d’inhibition du clignement des paupières au bruit qui caractérise ces patients par rapport à des sujets témoins (ibid.). Autrement dit, il existerait dans le syndrome d’Asperger des anomalies dans l’anatomie et les connexions des systèmes striato-limbiques, à l’origine d’un déficit du filtrage sensoriel. Sans que l’on puisse en dire beaucoup plus aujourd’hui. Des anomalies du même type, touchant les mêmes régions, sont retrouvées dans l’autisme (5).

L’IRM fonctionnelle devrait permettre d’avancer, en autorisant l’exploration des circuits neuronaux qui se trouvent impliqués dans les déficits cognitifs. Il a pu être montré, par exemple, chez l’adulte atteint d’autisme, une hypo-activation significative du gyrus fusiforme droit, l’aire qui sous-tend notre reconnaissance des visages. Mais dans la mesure où l’activation enregistrée semble varier en fonction du degré de familiarité du visage présenté, une telle découverte perd beaucoup de sa valeur. D’une façon générale, l’imagerie des troubles autistiques progresse, mais elle butte régulièrement sur deux obstacles : la très grande hétérogénéité des troubles étudiés, les difficultés d’interprétation inhérentes aux images obtenues. (Alain Bottéro)

  • Kanner L. Nerv Child 1943 ; 2 : 217-250.
  • Toal F, Murphy DGM, Murphy KC. Br J Psychiatr 2005 ; 187 :

     395-397.

  • Fallet-Bianco C, Lechevallier B. Neuropsy News 2007 ; 6 : 25-

32.

  • McAlonan GM, Daly E, Kumari V & coll. Brain 2002 ; 127 :

1594-1606.

McAlonan GM, Cheung V, Cheung C & coll. Brain 2005 ; 128: 268-276.