L’akathisie sous-diagnostiquée

Article paru dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats 2005 ; 26.

L’akathisie n’a pas disparu avec les nouveaux antipsychotiques, elle est seulement devenue apparente avec eux et encourt donc encore plus le risque d’être méconnue. Ceci est particulièrement préjudiciable pour les patients qui en souffrent : sa prolongation est difficile à supporter, elle s’associe à un risque accru de détérioration clinique et de raptus suicidaire ou violent. Afin d’alerter les cliniciens sur la question, un collègue japonais a dressé une liste des causes principales de sa méconnaissance persistante.

Deux sortes de facteurs y contribuent : ceux qui tiennent aux patients, ceux qui tiennent aux psychiatres. Parmi les premiers, la forme clinique de l’akathisie peut être remarquablement trompeuse : formes frustes, formes dépourvue de cette incapacité à tenir en place qui la définit (pas d’impatience motrice visible), formes où manquent le syndrome des jambes impatientes (il est absent une fois sur deux ; l’akathisie peut ne concerner que la tête, le cou, les bras, les mouvements respiratoires), formes dans lesquelles le sentiment d’agitation intérieure n’est pas mis spontanément en avant par le patient ou exprimé par lui d’une manière qui induit en erreur sur sa signification : akathisie subjective confondue avec une angoisse/anxiété qualifiée de « psychotique », avec une dysphorie, de l’agressivité, de la tension, des troubles cognitifs (difficultés de concentration, incapacité à écouter, lire, être attentif aux questions posées, etc.) ; formes où l’akathisie subjective est occultée par les symptômes psychiatriques ou se mélange à eux : excitations maniaque et mixte, délires et hallucinations, comportements incontrôlés, suicidaires, stéréotypés (des cas de masturbation incoercible de nature akathisique ont même été signalés), troubles de la personnalité, etc.

Quant aux facteurs tenant aux cliniciens, ce sont principalement une vision du syndrome akathisique restreinte à sa seule composante motrice apparente, l’oubli de toujours éliminer une akathisie en présence d’une aggravation survenant sous neuroleptiques, le non respect des mesures à observer en cas de suspicion d’une akathisie : injection parentérale d’urgence d’un anticholinergique ou d’une benzodiazépine en cas de manifestations aiguës s’accompagnant d’une détresse majeure ; réduction, arrêt ou changement de molécule neuroleptique dans tous les autres cas, avec surveillance attentive de l’évolution clinique en fonction de la réponse choisie. L’auteur rappelle que le dépistage pourrait être amélioré d’une façon très simple : en vérifiant systématiquement pour chaque patient traité l’absence des « critères d’une akathisie due aux neuroleptiques » proposés par le DSM IV dans son annexe « critères de recherche ». Ces critères ont fait la preuve de leur fiabilité diagnostique et devraient désormais faire partie de la surveillance routinière de tout traitement neuroleptique. Particulièrement aujourd’hui où la proportion des formes frustes d’akathisie semble augmenter sous antipsychotiques atypiques.

Hirose S. Schizophr Bull 2003 ; 29 : 547-558.