Complications psychiatriques de l’interféron

Article paru dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats 2006 ; 29.

Les complications dépressives, en particulier suicidaires, des traitements par interféron sont maintenant bien connues, au point de donner lieu à leur dépistage systématique avant et en cours de traitement. Sont-elles les seules à être observées ? Une équipe bordelaise s’est attachée à décrire toutes les complications psychiatriques susceptibles d’apparaître sous interféron α, dans un échantillon de 93 patients traités pour une hépatite chronique de type C[1]. Trois évaluations cliniques étaient pratiquées : avant traitement, à quatre semaines puis à douze.

“The bottom line” ? En moyenne un patient sur trois fait une complication psychiatrique. Dans tous les cas, il s’agit d’un trouble de l’humeur. Pour cette série, 3 manies euphoriques franches (10%), 15 hypomanies à forme irritable prédominante (50%), 12 états mixtes dépressifs (40%). De ces derniers, la plupart remplissaient aussi les critères de l’état dépressif majeur. Dans 20% des cas, les symptômes thymiques se dévoilent dès le premier mois de traitement ; dans 80% au-delà. La grande majorité des patients éprouvent l’état pseudo-grippal caractéristique de l’interféron. L’intensité de cet état de fatigue, de myalgies et de frissons tend à se stabiliser à partir de quatre semaines. En revanche la tension intérieure, l’irritabilité et l’anxiété se prolongent et n’auront de cesse de s’aggraver, passé ce délai, chez tous ceux qui déclenchent un trouble de l’humeur.

Principaux facteurs de risque associés à ces complications thymiques ; l’existence d’antécédents psychiatriques, celle d’une vulnérabilité anxio-dépressive antérieure au traitement.

Une décompensation thymique sur trois, le tribut est lourd. Surveillons attentivement nos patients sous interféron, ils risquent d’avoir besoin de nous.

[1] Constant A, Castera L, Dantzer R et coll. J Clin Psychiatr 2005 ; 66 : 1050-1057